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Rokk í Reykjavik: scènes punk et wave islandaises des années 80

K.U.K.L.
Q4U
Sans le savoir, les parents de Einar Örn Benediktsson ont contribué à l’avènement de la scène punk en Islande. Comment ? En divorçant. Un beau jour de 1977, le père parti s’installer en Grande Bretagne ramène à son fiston un disque des Buzzcocks. C’est un choc pour l’adolescent. En vacances chez son paternel, il n’aura de cesse de renseigner sur ce nouveau mouvement qui lui paraît correspondre à son tempérament et d’acheter des disques qu’il s’empresse de ramener dans son île. Il va s’acharner par tous les moyens à faire connaître ce nouveau style qui le passionne tant. Il participe à l’organisation du concert des Stranglers en 1978, s’arrange pour faire venir les Clash grâce à des contacts noués en Angleterre, prend part à la sortie du premier album des pionniers du punk rock islandais, Fræbbblarnir. De son côté, le jeune Bubbi Morthens (aujourd’hui l’un des chanteurs les plus populaires d’Islande) vient de créer avec les frères Pollock un combo du nom de Utangarðsmenn qui ouvrira pour les Clash justement. Impressionné par l’énergie de Einar (qui n’a que dix-huit ans), le groupe lui demandera d’être leur agent. Leur carrière sera brève mais séminale. Bubbi flanqué de son frère part fonder Egó tandis que les frangins Pollock créent Bodies, tous les deux plus orientés post-punk. Carrière brève aussi. Et Einar alors ? Il débarque à la répétition de trois de ses potes. Sur un coup de tête, ils lui tendent le micro. Lui qui ne sait pas chanter développe alors un mélange de chant, de cri, de spoken word, le tout interprété dans un état d'agitation quasi épileptique. Purrkur Pillnikk est né. Pour lancer leur carrière, il s’adresse à des connaissances qui vont créer le label Gramm d’abord uniquement destiné au groupe avant de signer d’autres formations, notamment Tappi Tikarrass dont la chanteuse est une certaine Björk. Reykjavik est alors en plein boum, l’énergie punk se répand comme une traînée de poudre, les concerts se multiplient, les groupes se forment comme en témoigne un documentaire baptisé ‘Rokk i Rekjavik’ sorti en 1982 dressant un état des lieux et des motivations en ce qui concernent les musiciens. On y découvre par exemple Sjálfsfróun (masturbation), trois gosses âgés d’à peine 15 ans, habitués à se défoncer à la colle et à l’essence, pratiquement incapables de jouer de leurs instruments mais le meilleur exemple de la philosophie punk. La performance des Clash a impressionné un autre groupe, Þeyr, qui décide de changer d’optique d’écriture. La présence en leur sein de Hilmar Örn Hilmarsson, artiste multi-facettes, très impliqué dans la religion Asatrù, les pousse à s’intéresser à l’occultisme, le paganisme, la philosophie…Leur rencontre avec Jaz Coleman, leader de Killing Joke venu se réfugier en Islande pour échapper à une fin du monde qu’il croit imminente, sera déterminante. Après le split, leur batteur, Sigtryggur Baldursson, se lie avec Einar et Björk dont les formations respectives viennent de se séparer pour fonder le collectif K.U.K.L., projet aussi atypique que les Virgin Prunes en Irlande, dont les contacts noués avec la scène anarcho-punk britannique conduiront à la signature sur le label de CRASS qui viendront même jouer à Reykjavik. Après une tournée éreintante en Europe, K.U.K.L. se termine, donnant naissance aux Sugarcubes qui révéleront au monde entier l’existence du rock islandais. L’influence de Killing Joke a marqué un autre combo, Vonbrigði, dont le morceau ‘O Reykjavik’ peut être considéré comme le ‘Anarchy in the UK’ islandais. Délaissant le registre punk pur, ils orientent leur son vers quelque chose de plus sombre et torturé. Le bassiste de Fræbbblarnir lance lui aussi un autre projet, Q4U, avec un couple d’amis dont la chanteuse Elly, furie charismatique que certains voient comme un pendant islandais de Siouxise. Très vite, en effet, le groupe oriente son écriture vers un rock gothique post punk évoquant effectivement Siouxsie and the Banshees. Premier split, reformation avec boîte à rythmes pour une orientation darkwave. Si Reykjavik est en ébullition, le reste de l’île ne reste pas en retrait, ainsi Barra Flokkurinn, une bande de jeunes originaires de Akuyeri tout au Nord et amis avec le bassiste de Fræbbblarnir. Si l’énergie punk les stimule, ils sont également fans de Bowie et Roxy Music et développent une forme de new wave imaginative pleine de punch qui leur vaudra même un minimum de reconnaissance internationale grâce à deux LPs et un mini. Impossible de faire l’impasse sur Grýlurnar, formation 100% féminine qui pratique une forme de new wave éclatée à la Nina Hagen Band ou Jonee Jonee, étrange trio pour chant/basse/batterie. Même le groupe de rock progressif þursaflokkurinn se laisse contaminer et livre un album mêlant structures complexes et new wave pour sa fin de carrière. Parmi les suites de Þeyr, signalons Með Nöktum, excellent mais hélas éphémère projet ou l’ovni musical que constitue l’unique EP du guitariste Stanya. N’oublions pas les travaux de Hilmar Örn Hilmarsson tant en solo qu’au sein du collectif industriel Reptilicus sans négliger les collaborations avec Current 93, Psychic TV…Le constat ne serait pas complet sans H.S. Draumur, Frakkarnir (plutôt new wave), Sonus Futurae dont la pop synthétique s’inspire de Kraftwerk ou Human League. La fin des 80’s verra la fin de ce premier élan non sans l’apparition d’une formation du nom de Sogblettir dans laquelle joue le demi-frère de Björk, plus sombre, dans la veine inspirée par Killing Joke. On retiendra aussi Bleiku Bastarnir plutôt garage pour qui les Cramps seront une influence déterminante. Bubbi aura lui aussi un petit hoquet punk en 1984 en fondant un projet du nom de Das Kapital, le temps d’un disque. Beaucoup de ces groupes ne disparaîtront jamais franchement, ainsi Q4U qui se reformera au milieu des 90’s et qui après la réédition de leurs titres sous forme de deux excellents best of, en cd et en vinyle sont actuellement en train d’enregistrer de nouvelles compositions. Idem pour Fræbbblarnir et Vonbrigði. Bubbi a pondu un quatrième opus avec Egó en 2009 mais le son n’a plus rien de post punk. Einar collabore à un projet appelé Ghostigital mêlant electro, rap, punk qui a déjà produit deux albums. Et la scène actuelle ? Elle se porte bien, merci, mais ceci est une autre histoire.


DISCOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE:

Q4U: Best of
K.U.K.L.: The eye
K.U.K.L: : Holidays in Europe
Egò: I Mynd
Fræbbblarnir: Viltu bjór væna ?
Vonbrigði: Kakófónia
Vonbrigði: O Reykjavik
Sogblettir: Sogbelttir
Purrkur Pillnikk: I  augum úti
Tappi Tikarrass: Miranda
Þeyr: As above…
Þeyr: Mjötviður til fóta
Grýlurnar: Mávastellid
Utangarðsmenn: Geislavirkir
Sugarcubes:Life’s too good
þursaflokkurinn: Gæti eins verið
Bara Flokkurinn: Lizt
Various artists: Rokk í Reykjavik (existe en DVD)

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